Gaia Global Circus

Un nouveau personnage est entré sur le théâtre du monde : ce n’est ni tout à fait la Terre, ni vraiment la Nature, ce personnage est indifférent mais risque de se venger de nous, il a une force d’action phénoménale et incontrôlable mais n’est pas un Dieu. Qui est-ce ? Nous avons décidé, à la suite de certains scientifiques, de l’appeler Gaïa : le Système-Terre. Et de partir à sa rencontre. Pendant trois ans, avec nos compagnies, nous avons rencontré des scientifiques, des spécialistes des modèles climatiques, des philosophes. Ils nous ont expliqué comment ils construisaient leurs modèles, recueillaient leurs données, affrontaient une fausse controverse alimentée par de puissants intérêts. Ils nous ont parlé d’un monde trop humain pour pouvoir accepter de prendre en compte une foule de non-humains qui pourtant réclament vivement notre attention.

Gaïa est muette, nous sommes aveugles. Comment la faire parler ? Comment nous rendre sensibles ? Nous avons conçu la pièce comme une modélisation de notre rapport à ce nouveau personnage. L’invention d’un espace scénique mouvant, en interaction constante avec les acteurs, a été une étape clef du processus de création. Tout bouge dans le nouveau monde de l’anthropocène, cette nouvelle ère géologique où l’homme est plus puissant que les volcans : l’environnement qu’on croyait stable, intangible, n’est plus un simple paysage ou un rideau de fond de scène. Il agit désormais en réaction à nos propres mouvements. Par une recherche collective mêlant écriture de plateau, invention de machines scéniques et travail des acteurs, nous avons tenté de capter ensemble cette question d’un environnement qui ne nous environne plus, parce qu’il est devenu un acteur à part entière sur la scène du monde.

Mais il ne s’agissait surtout pas pour nous de faire une « pièce catastrophe », comme on parle de « films catastrophes ». Plutôt que la chronique d’une tragédie annoncée, Gaïa Global Circus est une tragi-comédie qui fait entendre la cacophonie des voix, le trop-plein des discours sur l’écologie, et nos propres contradictions. C’est, au fond, un spectacle sur la tension entre cette pléthore de voix humaines et ce qui les englobe et les dépasse. Devant cette parole inaudible, le théâtre peut intervenir avec ses propres outils : des images, des expériences de pensée sous la forme d’images scéniques et mentales, des fictions actives.Il ne s’agissait pas non plus de faire du théâtre scientifique ou philosophique. Au cours du travail de plateau, nous en sommes venues à éliminer progressivement toute trace de démonstration scientifique, pour ne garder que le cœur du sujet : des situations burlesques où les humains se débattent dans leurs propres contradictions, leur incertitude et leur désarroi face à une situation qui les dépasse, et pour laquelle personne ne nous a préparé. C’est donc en faisant confiance au théâtre seul, et à sa capacité à devenir un laboratoire de fictions, que nous avons tenté d’approcher Gaïa.Plonger comédiens et spectateurs dans ce décor mouvant, dans cette machine à jouer qu’est notre chapiteau volant, c’est tenter, à chaque représentation, l’expérience collective d’un autre rapport à notre monde commun – à l’échelle du théâtre.

Une pièce de
Pierre Daubigny

Conception
Bruno Latour, Frédérique Aït-Touati, Chloé Latour

Mise en scène
Frédérique Aït-Touati et Chloé Latour

Scénographie
Elsa Blin

Machines
Olivier Vallet

Création lumière
Benoît Aubry
Olivier Vallet

Musique
Laurent Sellier
Christophe Hauser

Avec
Claire Astruc
Luigi Cerri
Jade Collinet
Matthieu Protin (en alternance avec Mathias Marty)